Je me réveille aux aurores. Le souvenir de mes 2 dernières nuits sous tente me vient immédiatement à l’esprit. Avoir un toit et des murs présentent quand même certains avantages… Je prends mon temps. De mon futon je contemple le calme de l’océan. La luminosité s’affirme petit à petit mais le temps est à la grisaille : immense dégradé du blanc au noir. Tant bien que mal, malgré les courbatures, j’arrive à mettre mon corps en station debout. Je m’habille tranquillement avec mes habits propres qui ont pris la nuit à sécher. Je porte le même t-shirt, le même short, la même culotte et les même chaussettes depuis le début de ce périple. A part lorsque je dors sous la tente, je les lave chaque soir en arrivant à l’étape et les remet le matin avant de partir. C’est un peu comme si j’enfilai un uniforme de militaire ou de bagnard sauf que là, c’est un uniforme de pèlerin… Je prépare mon sac à dos et plie le futon. Je place les draps et la taie d’oreiller sales en tas à coté de la porte. Prêt pour le départ, je file prendre mon petit déjeuner dans la grande salle à manger de la veille face à l’océan. Un très beau plateau repas m’y attend : Énorme, très coloré, avec beaucoup de fruits de mer, il a de quoi me tenir le ventre toute la journée tant il est garni ! Sandrine et Erika me rejoignent. Cette dernière ne se sentant pas très bien nous averti qu’elle va prendre train et autocar pour se reposer et gagner directement le temple 24, Hotsumisakiji au cap Murato. Nous prenons le temps de déguster la dizaine de petits plats composant le petit-déjeuner tout en les commentant : Pour les 3 français que nous sommes, ayant baigné dans une certaine culture culinaire, les mets japonnais offrent très souvent une multitude de surprises exotiques voire inconnues. Comme à mon habitude je mets un point d’honneur à tout manger pour ne pas dire engloutir. Je remarque que les filles n’ont eu ni le même goût ni le même appétit que moi… Journal pèlerinage Shikoku 12
Sandrine et moi quittons l’hôtel ensemble mais très vite une distance se creuse entre nous. Tantôt je suis loin devant ou bien loin derrière mais nous marchons très peu ensemble. Je suis vraiment sauvage, asocial… L’absence de soleil assombrit les panoramas. Les couleurs sont comme éteintes. C’est le matin et pourtant on a l’impression que la nuit va tomber. Mon cheminement me donne le sentiment de me trouver au milieu de tableaux de paysages en ombre chinoise. Nous traversons toute une série de mini-ports de pêche : Asakawa, Awa-Kainan, kaifu… et rejoignons le village de Kaiyo-Town vers 11 heure. On a parcouru environ 15Km. Une pluie fine nous a accompagné un moment…Journal pèlerinage Shikoku 12
Juste après la sortie du bourg de Kaiyo-Town se termine la préfecture de Tokushima et nous entrons préfecture de Kochi. Pour les henros que nous sommes, bien qu’immatérielle, c’est une étape importante…Journal pèlerinage Shikoku 12
En effet, sur Shikoku, il y a 4 préfectures associées aux 4 plus grandes villes de l’ile. Les bouddhistes ont donné un nom à chacune d’elle pour définir l’état d’avancée spirituelle du pèlerins qui chemine les 88 temples en route vers l’illumination :
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Tokushima = Hosshin dojo = Éveil
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Kochi = Shugyo dojo = Ascétisme
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Ehime = Bodai dojo = Illumination
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Kagawa = Nehan dojo = Nirvana
En tant que henro, j’ai donc terminé la phase de l’éveil, la prise de conscience : 12 jours de pèlerinage et une importante accumulation d’expériences diverses et variées ! Une certitude : J’ai perdu mes kilos superflus et, bien que courbaturé, je me sens dans une forme exceptionnelle !
Le temps est gris, la route est plate. Le cheminement est très facile. Il semble qu’il n’ ait pas grand chose à observer à part la mer, des bateaux de pêche et quelques petits temples Shinto… En réalite, tout le Japon est là et défile sous mes yeux, multitudes de scènes du quotidien des places traversées… Rien ne presse, je me sens bien. Je m’offre une pause en grignotant sous le porche d’une petite épicerie….Je profite de cet arrêt pour réserver 2 chambres dans une Henro-house : Hirunezato. Comme la 1/2 pension n’y est pas proposée, je m’achète quelques victuailles qui composeront mon repas de ce soir…Journal pèlerinage Shikoku 12
L’après-midi est encore plus calme que la matinée. J’avance tranquillement kilomètre après kilomètre. Finalement, j’atteins la bourgade où se trouve la henro-house réservée plus tôt. Une bonne odeur de grillade m’accueille dans la rue principale. Je salive en regardant un monsieur tout occupé à ses petites brochettes de viande. Ce n’est pas prêt ! Il faudra repasser, me fait-il comprendre d’un geste de la main. Déçu, je continue et me mets à rechercher la pension. J’ai un mal fou à la trouver malgré mon GPS. La Henro house Hirunezato est située en retrait de la route principale dans une sorte de petit HLM délabré à 1 étage pratiquement au milieu des champs. La porte d’entrée métallique est à l’arrière. Elle n’est pas fermée à clef mais il n’y a personne…
Il est 15h, la pension n’est normalement ouverte qu’à partir de 16h… j’entre et visite la place. Ce n’est vraiment pas luxueux, c ‘est même très “sobre” mais par contre, c’est d’une propreté irréprochable ! Pour 2000 yens, c’est tout à fait correct ! Je décide d’y laisser mon sac-à-dos pour rejoindre le bord de la mer voir si la plage est “baignable”. Ce n’est malheureusement pas le cas. Il n’y a pas de sable mais des cailloux et l’eau est vraiment boueuse à cause de l’embouchure d’une rivière. Ça ne me donne pas envie de me jeter à l’eau. Et puis, il se met à pleuvoir. Alors que je m’en retourne l’air penaud. Je vois Sandrine qui arrive. Elle semble toute aussi perdue que moi pour trouver la Henro-house. Elle est heureuse d’apprendre que je sais où elle se situe. En arrivant, le gérant, un vieux monsieur tout bancal nous accueille et nous montre nos chambres ainsi que la machine à laver le linge qui se trouve à l’extérieur, dehors, devant l’entrée du bâtiment. Plus tard, après la douche, on va passer prés d’une heure à essayer de lancer une lessive sans succès. On sera finalement sauvé par une voisine. Une femme toute simple qui ne semble vraiment pas rouler sur l’or mais dont le cœur est purement fait en cette matière vu à quel point elle est généreuse ! Après avoir lancé un cycle de lavage, elle finit par nous laisser en nous promettant de nous préparer un lunch pour le lendemain… Je me retire dans ma chambre. Je fais mon lit et me prépare un thé vert. Il y a toujours une bouilloire, du thé vert et une petite sucrerie qui sont offertes aux visiteurs dans chacune des chambres dans lesquelles j’ai logé jusqu’ici. Encore une marque de la mentalité de l’accueil japonnais. Je délaisse la chaise en osier sans pied pour m’attabler et manger mes provisions. Dernier rituel de la journée ; la douche. Bien propre, j,’installe mon futon et m’y allonge. La fatigue me tombe sur les épaules. J’ai dû m’endormir avant que le soleil ne se couche… 27km aujourd’hui !
Carte Shikoku 88 temples
Légende des marqueurs :
- = 88 temples
- = 20 temples supplémentaires
- = étape
- = étape en temple
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