Journal pèlerinage Shikoku

Jour 10

Dimanche 22 septembre 2019

Temples visités : aucun

0km
Distance du jour
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Dépense du jour
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Distance du depart
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Dépense totale

11h35. C’est de plus en plus fort ! Une vraie tempête !! La tente est régulièrement secouée par de fortes rafales qui tendent et détendent brusquement les sangles. Va-t-elle tenir…? La force du vent fait aussi que la pluie “tombe” à l’horizontale !!! L’eau est poussée sous le tapis de sol. Elle suit les joints entre les briques…Je la vois progresser inexorablement en dessous de moi. L’étanchéité est correcte pour le moment mais pour combien de temps encore ? Je n’ai vraiment pas le goût de me retrouver trempé de la tête au pieds !! Le typhon devrait être à son plus fort vers la fin d’après-midi. La perspective du pire fait me poser beaucoup de questions mais je garde la conviction que quels que soient les développements de la tempête, les risques probables ne sont que matériels. Quand bien même la tente se déchirerait et serait emportée en lambeaux par le vent, il me resterait l’option de me réfugier dans l’espace de 30cm sous l’abri de béton. Je me sens toujours en sécurité. Je crains juste pour mes affaires, voire pour la suite de mon périple… Quoi qu’il en soit, je n’en mène pas large…Shikoku pèlerinage au japon

Au lever du jour, après une assez mauvaise nuit passée à estimer tant l’évolution de la tempête que la résistance de la tente, j’ai décidé de suivre mon intuition et de rester sur place à attendre que le temps se calme. Plutôt que de faire 5 heures de marche pitoyables dans des conditions exécrables à patauger dans la boue pour rejoindre le prochain village, je me suis dit qu’il était plus sécure de rester sur place et de profiter du confort très relatif de mon campement. Je ne regrette pas ma décision. Au moins je suis au sec. Je peux essayer de me reposer. J’ai suffisamment d’eau et de quoi manger pour au moins 2 jours. Moi qui voulait faire un break après tous les efforts de la semaine passée ! Ce n’est pas comme ça que je concevais ma pause : rêves de bains bouillants dans un Onsen, lit confortable et repas gargantuesques… Évanouis !! A la place : une lutte omniprésente contre les éléments… Pendant la nuit il s’est mis à pleuvoir par intermittence et les rafales de vent se sont fait de plus en plus violentes et rapprochées. L’ayant déjà vécu dans les Antilles, j’ai reconnu les prémices d’un cyclones : Typhon, cyclone sont frères et sœur non ? C’est loin d’être fini car les rafales de vent durent plus longtemps et elles ont plus l’air de se rapprocher que de s’espacer. Alors je prends mon mal en patience et m’occupe comme je peux : j’écris dans mon calepin, je regarde mon guide pour apprécier les étapes à venir, j’envoie des messages rassurant à ma famille et compulse avec parcimonie internet pour suivre l’évolution de la tempête. Malgré cette situation décourageante, je suis chanceux de pouvoir jouer avec l’internet. Je ne me sens pas totalement isolé… Je tente quelques siestes mais le sol est dur, vraiment inconfortable. Tous mes os me font mal. Je dois changer de position de plus en plus souvent ce qui empêche toute éventualité d’assoupissement. Entre deux rafales, tout s’arrête. Le calme est si intense qu’il en est effrayant. Les rares fois où la pluie fait une pause, j’essaye de mettre le nez dehors. Je ne peux pas marcher vu que le sentier est rendu très boueux mais prendre l’air et faire quelques étirements me font le plus grand bien. Je profite de la vue sur l’océan déchainé. Ça ne dure jamais bien longtemps car le vent reprend vite avec une nouvelle vigueur, plus fort et plus longtemps que la rafale précédente. Et avec le vent vient la pluie… Je replonge vite dans mon antre. Comme les branches des arbres, les toiles de la tente sont secouées dans tous les sens et j’entends les trombes d’eau se déverser du ciel. Le bruit est assourdissant. On dirait que je me trouve à l’intérieur d’une machine à laver le linge. A contrario, le temps passe avec une lenteur effrayante. Il semble figé. Je regarde les minutes s’égrainer. La journée et la nuit qui viennent vont être très, très longs.Shikoku pèlerinage au japon

A l’instar des toiles de la tente battues par le vent et la pluie, c’est mon esprit. Ça se bouscule au portillon là-dedans !! De nombreuses facettes de ma vie se déversent par vague dans ma tête. Je laisse le flots de souvenirs emplir ma conscience…. Lorsque j’ai marché Compostelle la première fois, je clôturais une partie de ma vie. Je passais le cap de la cinquantaine. J’étais assez perturbé. Les dernières années, j’avais vécu des émotions si difficiles que j’avais le sentiment qu’elles étaient insurmontables. Tout se bousculait et se mélangeait dans ma tête. Je n’arrivais pas à gérer toutes les pensées douloureuses qui envahissaient mon âme à tout moment sans crier gare. Compostelle était ma première grande marche. Au fil des jours et des kilomètres, les longues heures de marche à brasser sans pause toutes ces idées noires faisaient saturer mon esprit. Le soir, rendu au gîte d’étapes, j’étais exténué. Mon esprit semblait encore plus fatigué que mon corps. Je vivais un vrai calvaire. La vie est bien faite car la nécessité naturelle de se sauvegarder a été le plus fort : Étrangement, les besoins primaires comme manger ou dormir tout autant que la douleur, les ampoules aux pieds, les courbatures dans tous le corps ont pris le pas sur mon esprit qui a, de ce fait, retrouvé un certain apaisement. Petit à petit, le capharnaüm de pensées sauvages qui régnait dans ma tête s’est organisé de lui-même. La nécessité de régler immédiatement, sans délai, des impératifs pratiques chassait ou plus précisément classait, rangeait, les souvenirs émotionnels débridés. De jour en jours, il devenait plus aisé de mettre en cage au fond de mon cerveau les pensées maudites trop longtemps ressassées. Je savais qu’il m’était impossible d’effacer ces idées de ma tête. Ce sont des choses que j’avais vécues et qui m’avaient marquées. Leur souvenirs seront omniprésents en moi jusqu’au dernier jour de ma vie, que je le veuille ou non. Cela semble à priori évident mais je vous garantis que ça ne l’est pas : Ce que je découvrais, c’est que j’avais la capacité d’occulter ces pensées pendant un laps de temps plus ou moins long afin de faire autre chose de plus constructif. Et aussi, que plutôt que ce soit elles qui s’imposent à moi à n’importe quel moment, je pouvais choisir quand les mettre ne lumière dans mon esprit. Et ça, ça change tout !Shikoku pèlerinage au japon

Aie ! Un peu d’eau s’est infiltrée à l’intérieur de la tente. Je déplace mes affaires et éponge à l’aide d’une petite serviette. J’entends la pluie qui tombe en trombes maintenant ! Le bruit est effrayant, c’est assourdissant. Je suis vraiment chanceux d’être sous un abri avec un toit en béton. Je n’ose penser ce que je vivrais si la tente était directement exposée aux éléments extérieurs. je place mes écouteurs sur mes oreilles et lance un peu de musique. Va pour Léonard Cohen ! Je me laisse emporter par la mélodie. Le temps avance doucement mais il ne s’arrête pas. Lentement je vois la lumière décliner et finalement la nuit s’installer. J’ai faim ! Je me régale de sushis sur Alléluia. L’enfer continue à faire rage à l’extérieur mais je suis plongé dans un autre monde, un monde mélodieux, gouteux et apaisant…Shikoku pèlerinage au japon

0km marché, 0 temple visité et 0 Yen dépensé aujourd’hui…

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Carte Shikoku 88 temples

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