Journal pélerinage Shikoku

Jour 2 : samedi 14 septembre 2019

Temples visités : 4, 1bis, 6

 

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Dépense totale

Une nouvelle fois, de gros problèmes pour dormir : j’ai du mal avec le décallage horaire. Je me suis endormi vers 20h et reveillé vers minuit ! Ensuite, le sommeil a été en pointillé… Je me sens pourtant plein d’énergie en me levant ce matin. D’aprés la météo de mon téléphone, il semble qu’il va faire trés beau et trés chaud (30°c). Je troque mon pantalon contre un short et je prépare minutieusement mon sac en prenant bien soin de remplir ma poche à pipette avec 2 litres d’eau. Je teste le poids : heu… ca a l’air de peser 1 tonne !!

Le minshuku Morimotoya est vraiment un bel endroit. Je n’ai aucun regret pour mes 5000yens, ca les vaut amplement. Trés propre, l’accueil à été parfait. Non-seulement j’ai pu récuperer mes forces et me laver mais en plus j’ai eu droit à un cours en acceleré sur la maniere de vivre japonaise. Tant mon hotesse que son employée ont été aux petits soins avec moi. En ce qui concerne les repas, voici mes plateaux du soir et du petit dejeuner… Il y a beaucoup de plats aux saveurs trés fortes et variées. Je suis vraiment surpris par la somme des goûts qui me sont inconnus. La plupart sont de bonnes surprises puisque produits de la mer et que j’aime ca. Tant par respect pour mon hotesse que par curiosité, je mange absolument tout quand bien même le goût d’algues séchées au petit matin n’est pas choses trés délicate au palais. Decidément la cuisine Japonaise va être une bonne compagne de voyage (je vais pourtant perdre 12kg, presque le poids de mon sac-à-dos sur la totalité du pélerinage). Il y a cependant une chose, une seule, qui est passée avec grande difficulté et que je ne souhaite plus remettre dans ma bouche pour le reste de ma vie : le natto ! On dirait des haricots mais ce sont en fait des graines de soja fermentées. Le gout amoniaqué me donne radicalement envie de vomir… Je repère bien le nom et l’emballage afin de ne jamais retomber face à cette abobination ! Journal pélerinage Shikoku : jour 2

Natto japonais

Un dernier petit café et mon hotesse m’accompagne jusqu’au pas de sa porte. Elle me lance un joyeux : « Gambatté » (bonne chance) en me montrant la direction à suivre. Journal pélerinage Shikoku : jour 2

Je passe devant le temple 4, Jizoji, visité la veille. La route est facile, c’est tout droit en direction de la montagne, à l’opposé de la vallée urbaine. Le dénivellé est trés leger, le temps est magnifique, je me sens comme enveloppé de bonheur  Journal pélerinage Shikoku : jour 2

 

Juste 2km et déja, je vois le temple… Journal pélerinage Shikoku : jour 2

Temple 4 : Dainichiji

Il est tôt mais déjà quelques henros font leurs devoirs de henro. Le temple est simple, petit, bien entretenu. Je passe le porche d’entrée, me nettoie mains et bouche. Vue l’heure matinale, afin de ne déranger personne, je saute la case gong et me plonge dans la contemplation de statues de bois couronnées d’or. Je prends mon temps mais pas trop. Aprés avoir fait apposer la calligraphie sur mon cahier, je me concentre sur mon guide afin de décider quel chemin choisir pour rejoindre un Bekkaku un temple supplementaire aux 88 temples, Taisanji. J’opte pour le pointillé bleu, décrit comme etant Shikoku-no-michi, chemin conseillé pour les amateurs des beautés de la nature… En plus, ca a l’air d’un trés bon raccourci ! Journal pélerinage Shikoku : jour 2

Je reviens donc sur mes pas et au niveau du petit temple Shinto facilement reconnaissable grace à son Torii, son portail d’entrée. Je suis le petit chemin de terre qui s’enfonce dans la forêt. Indiqué sur la carte du guide c’est un bon signe quant à la précision de ce dernier. Journal pélerinage Shikoku : jour 2

3 heures ! Il m’a fallu 3 heures pour couvrir 5 malheureux kilomètres. Ok il y a environ 450 mètres de dénivellé positif mais ceci n’explique pas cela… Le beau chemin, quelques fois encadré de jolis bambous gros comme des bouleaux est bien tracé au début. Ensuite, par endroits, il disparait et éveille ma phobie des serpents. Les rares poteaux indicateurs écrits en japonais n’apportent aucune aide. Mais ce qui rend le parcours vraiment difficile, ce n’est pas ça, ni la pente, ni la chaleur accablante (les 30°C annoncés ont du largement dû être dépassés) ni même ma pas-si-bonne condition physique. La vraie bataille, pour réussir à traverser cette forêt, est ma lutte incessante contre les araignées !!! Ce parcours n’etant probablement emprunté que par des fous (et les japonnais ne le sont vraiment pas), des centaines, que dis-je, des millers de tisseuses ont pu fabriquer de magnifiques et trés larges toiles en travers du passage. Souvent invisibles, j’en prends souvent en pleine face. Sentir les filaments sur le visage ou bien la bibitte me courir sur le crane, dans le cou n’a rien d’agréable… Impressionnantes, ces araignées ne sont heureusement pas venimeuses. Je me suis tout d’abord armé d’un bambou. Pourri, il s’est vite cassé. Puis j’ai voulu couper un tout jeune arbre à l’aide de mon canif… Je ne suis arrivé qu’à le massacrer. Je transpire abondamment. Fatigué, je commence à douter de la pertinance du choix de ce chemin ! Pour « les amateurs des beautés de la nature » qu’ils disaient…? Je me demande si je ne ferai pas mieux de rebrousser chemin…

Soudain, comme une offrande, litteralement déposé en travers du passage, immanquable puisqu’il me faudrait sauter par dessus pour l’éviter : Un baton ou plutôt LE baton ! Il est parfait : Tant par ses dimensions, sa solidité que par son poids. Je peux enfin mouliner efficacement pour défaire l’ouvrage des démones !!! Ce bout de bois va devenir mon meilleur ami tout au long du pélerinage. Il va m’accompagner jusqu’au 88ème temple. Bien plus que tout autre objet, le baton (kongozue) est celui qui définit réellement le pélerin. Ici, il est sensé être l’incarnation de Kobo Daishi, le sage initiateur, inséparable compagnon qui aide et guide sur le chemin. Autrefois, en cas de déces, le baton etait utilisé pour marquer l’emplacement où son proprietaire avait été enterré…

Je continue ma progression, pénètre plus profondément dans la foret, plus haut dans la montagne. Une seule ouverture à travers les arbres me permet d’admirer la vue sur la vallée. Au loin je vois Tokushima et la rivière Yoshino qui débouche dans la mer. Ca n’en finit plus de monter. J’ai une pensée pour Don Quichotte battaillant dans le vide avec une lance en bois. Je suis exténué, désespéré et tout à coup… Un bruit de moteur ! Une route est à proximité. La fin de mon calvaire… Je suis rassuré. J’ai tellement transpiré que tous mes vêtements sont complètement trempés. J’ai faim, j’ai soif. Je trouve une petite clairiere ensoleillée et isolée. Je décide de me dechausser, enlever mes chaussettes. Humm… ca fait un bien fou de sentir le soleil secher ma peau ! Mon t-shirt mouillé me glace le dos… Il n’y a personne, je suis seul au milieux d’une foret perdue. Ni une ni deux, j’enlève tous mes vètements et me retrouve entierement nu. Yé, man ! Je suis au Japon, à plus de 10,000km de chez moi, à poil au milieu d’une foret !!! J’étends mes habits à secher sur les branches des sapins et pendant 1/2 heure je me transforme en lézard me délectant de chaque rayon du soleil. Au bout de ce laps de temps, tout est sec, merci aux mérinos ! Je suis reposé, repus des cacahuetes du Dollarama de Montréal. Je remets mon sac sur le dos. Il est lourd, les sangles me font mal mais je me sens bien. Trés vite je débouche sur la route dont, plus tôt, j’avais deviné la présence.

D’avoir repris des forces me permet de mieux apprécier ce qui m’entoure. Je découvre un tres vieux cèdre ceinturé par une corde : Les croyances shintoistes soulignant ainsi sa majestuosité tout en lui conférant un coté magique. Un peu plus loin, voilà enfin le porche d’entree du Temple Taisanji et ses deux gardiens…tres expréssifs ! Mais je ne suis pas encore au bout de ma peine. Il me faut encore gravir les 300 marches d’un escallier interminable qui semble finir dans le ciel éblouissant. Plus je monte, plus mon sac me semble lourd. A chaque palier, un liko supplémentaire ? La pente est raide, les marches composées de vieilles pierres sont trés étroites. Je me sens comme tiré vers l’arriere tant dans l’espace que dans le temps. Des petites statues m’encouragent pour l’ascension finale…Journal pélerinage Shikoku : jour 2

Finalement en haut des marches, un autre imposant porche en bois massif et….

Bekkaku Temple 1bis : Taisanji

Taisanji est un Bekkaku : il ne fait officiellement pas parti du pélerinage des 88 temples mais y sont intimement liés. Les bekkakus sont des temples souvent situés à l’écart où les moines sont plus à même de pratiquer l’ascètisme.

Assis sur le petit banc à l’ombre de cet arbre imposant, je tombe sous le charme de l’endroit empreint de sérénité. C est Magnifique !

Je perds la notion du temps…

Et puis je regle mes devoirs de henro, remets mon sac sur le dos, prends mon baton et m’en retourne dans la vallée.

La descente est vraiment agréable. La temperature baisse avec l’avancée de l’aprés-midi. Je ne croise aucune voiture sur la petite route sinueuse qui me ramène dans la vallée. La nature sauvage de la forêt de la montagne laisse place à l’urbanisation et aux cultures de manière radicale. C’est étonnant de voir à quel point la nature a toute liberté dans un cas et comme elle est minutieusement domptée dans l’autre. Dans la vallée, chaque parcelle de terrain est exploitée à son maximum et tout y est extrèmement propre et encadré. De petites pancartes avec le dessin d’un henro et une flêche rouge guident mes pas. Ces petits indicateurs sont l’équivalent des flêches jaunes peinturées qui jalonnent le chemin de Compostelle. Vers 16h30 j’arrive devant le porche d’entrée de Anrakuji, le 6ème temple.

La piece au dessus du porche d’entrée est un tsuyado, une chambre offerte gracieusement aux henros pour s’y reposer une nuit. C’est trés sommaire, juste une natte en bambou et une couverture sont mis à disposition. Il suffit de demander la permission à l’accueil et d’être prêt à partager l’espace avec d’autres henros s’il en est. Bien sûr, le gong est bloqué pendant les heures de fermeture du temple à partir de 17h jusqu’au lendemain 7h.

Je n’ai aucune réservation pour ce soir mais mon guide indique que ce temple hebergent aussi les pélerins. Un grand batiment jouxte le temple. Il semble être conçu pour recevoir des groupes. La haute-saison n’est pas encore vraiment commencée. Je vais demander à l’accueil s’il y a une chambre disponible. Le récèptionniste parle un anglais correct et me propose plusieurs choix dont le tsuyado mais je ne comprends malheureusement pas ce bout là de sa présentation. Arrivé trop tardivement la demi-pension n’est pas possible alors j’accepte la chambre seule à 4600y. Mon hote me guide jusqu’à ma chambre en faisant les détours qui s’imposent pour me montrer le onsen et les machines à laver le linge. Tout en cheminant il me propose de participer à une cérémonie bouddhiste qui se deroulera à 19h dans le grand temple. La chambre est basique, presque vide. Il y a juste une poubelle, un meuble avec un petit écran plat (!), une table basse avec bouilloire et service à thé. Je vois également un plateau sur lequel sont diposés serviette de bain et kimono pliés. Enfin, il y a un placard dans lequel sont rangés futons, oreillers et couvertures.

J’apprécie l’exotisme de ma premiere chambre typiquement japonaise. Tout est au raz du sol. Les cloisons ne sont pas en papier mais semblent trés fine. Je commence par déposer mon sac dans un coin et fais chauffer l’eau pour un thé. J’ouvre le placard et prends les choses afin de faire mon lit. L’oreiller, petit, compact, n’est pas rempli de plumes mais de grains de riz… J’enfile mon kimono puis je fais ma petite lessive à la main dans le minuscule lavabo situé dans le couloir juste à l’entrée de ma chambre. Une fois le linge étendu, je prends ma serviette et file en direction du bain, j’en ai vraiment besoin…

Il est 19h tapante. Je suis propre mais j’ai faim et suis exténué. J’attends dans le hall de l’hotel qu’on vienne me chercher pour la cérémonie bouddhiste. Je compte 8 autres personnes avec moi

Un moine chauve nous conduit dans une piece qui ressemble à une salle de classe. On a le choix entre table et chaise ou s’accroupir devant une table basse. Je choisis la seconde option. Sur chaque table il y a un Osame-fuda en papier et un autre en bois fin qui s’appelle en fait Kyougi. Il y a aussi un bout de ficelle et une petite branche avec quelques feuilles vertes. Le moine demande de lire un document plastifié où est expliqué en anglais, le déroulement de la cérémonie. Je prépare les 3 éléments comme indiqué sur la notice : Sur le Osame-fuda de papier mon nom, mon adresse, un voeux, le nom d’une personne liée à ce voeux. Sur le Kyougi, le nom d’un de mes ancêtres et la date de son décès. Je lie le Kyougi au rameau de Camphre à l’aide du fil. Je place le tout dans un petit panier.

Quand tout le monde est pret, on sort de la classe et on se rend dans le temple principal avec statues de bouddha, ors et bougies… On y chante des Sutras pendant une bonne demi-heure. A la queue-leu-leu, on dépose l’Osame-futa dans une urne et on s’incline devant une statue de Bouddha en lui touchant le genou. On entre alors dans la pénombre d’une plus grande salle. On y allume une petite bougie que l’on place au fond d’un verre en plastique. On dépose le tout sur l’eau une sorte de ru qui cours le long du mur. La petite flamme de chacun d’entre nous est emportée par un faible courant. Pendant le cheminement des petites lueurs nous avançons, toujours à la queue-leu-leu, jusqu’à une vingtaine de statues differentes. On en choisit une et on plante notre rameau de Camphres lié au nom de notre ancêtre dans le bac de sable installé devant et placé face à la « riviere ». Notre petite bougie embarquée finit par passer devant notre branche et puis continue son voyage…. Nous avancons vers le fond de la salle où nous attend un mini brasier dans lequel on jette notre Kyougi en balsa. La planchette s’emflamme instantannément. On rend notre panier vide et on entre dans une nouvelle piece où se trouvent plusieurs statues et des vases d’enscens incandescents. On prend une pincée d’enscens dans une urne. On se l’appose une seconde sur le front puis on le jette dans un des vases. Au bout du chemin, on trouve un bouddha géant fortement illuminé dont on fait le tour en se joignant les mains et en chantant. A la sortie, je me précipite à ma chambre pour tomber instantanément endormi.

Carte Shikoku 88 temples

Légende des marqueurs :

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