Journal pèlerinage Shikoku

Jour3 : Dimanche 15 septembre 2019

Temples visités : 7, 8, 9, 10

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Dormir à même le sol à été un peu raide malgré le futon ! Comment je vais trouver mes nuits sous la tente puisque je n’ai pas emporté de matelas de sol ? L’oreiller rempli de riz n’est vraiment pas agréable. Mon petit déjeuner est sommaire : thé, cacahuètes… Nostalgie de celui de la veille au Minshuku Morimotoya quand bien même je ne regrette absolument pas le natto !Journal pèlerinage Shikoku : jour 3

Bref c’est un début de journée plutôt grognon. Je flâne un peu dans le temple en attendant qu’ouvre l’office pour faire la calligraphie dans mon cahier.journal pèlerinage Shikoku jour3 journal pèlerinage Shikoku jour3

Temple 6 : Anrakuji

Je place mon sac sur le dos et commence à suivre un henro qui va probablement au même endroit que moi.journal pèlerinage Shikoku jour3

Juste 1.4km et déjà face à nous, le temple…journal pèlerinage Shikoku jour3

Temple 7 : Jurakuji

Je ne m’attarde pas. Je reprends la route. En France au croisement des routes on trouve des croix, ici, au Japon, il y a des bouddhas… Logique !journal pèlerinage Shikoku jour3

Il y a 4 km pour rejoindre le temple suivant. C’est juste avant d’arriver à Kumadanji qu’une dame d’un certain age me fait mon premier Osettai. Je l’ai apercue de loin en train d’attendre sur le devant d’une maison. A mon approche, sans m’en laisser vraiment le choix avec un grand sourire et un joyeux ohayo gozaimasu (bon matin), elle place un Kaki et une boite de café glacé dans mes mains. . J’ai lu dans mon guide que la politesse d’ici veut qu’on accepte tous les Osettai quelle que soit leur taille ou leur forme. C’est une aide et un encouragement à poursuivre le pèlerinage. C’est aussi une manière qu’à le donateur de faire en sorte qu’une petite partie de lui-même, ne serait ce qu’une pensée, accompagne le pèlerin dans sa démarche. Les marcheurs gardent toujours en tête toutes les personnes qui leur ont offert quelque chose. A un moment où à un autre, dans un temple, ils vont allumer une bougie ou de l’encens, chanter un Sutra ou réciter une prière en l’honneur de leurs bienfaiteurs. Je suis à la fois confus et heureux. Confus par un tel élan de bonté qui m’arrive abruptement et heureux parce que mon ventre appelle au secours depuis mon départ et que je n’ai rien trouvé pour le satisfaire jusqu’à présent : aucun commerce par ici…. Quelle gentillesse, quelle générosité ! Je fouille dans la poche de mon sac et lui mets derechef deux pastilles d’érable dans les mains. Çà la stupéfait. Alors, comme du tac au tac, elle m’offre une figue en plus. Ensuite elle essaye d’engager un dialogue m’expliquant qu’elle a 77 ans. Tout à coup, elle me fait le signe de patienter et tourne les talons. Elle revient avec un dictionnaire parce qu’elle tient à me spécifier le nom japonais des fruits qu’elle m’offre. En fait les Japonais semblent aimer qu’on fasse l’effort de communiquer dans leur propre langue. Je la remercie et m’incline très bas pour la saluer.journal pèlerinage Shikoku jour3

Juste avant d’entrer dans l’enceinte du temple je trouve un carré d’ombre et m’installe pour un petit déjeuner improvisé. Je sors mon couteau et pèle le Kaki. C’est ferme, croquant, ça ressemble beaucoup à la pomme. La figue est mûre à souhait Le café, froid et en boite, est étrangement bon… Humm… Il va falloir que je regarde un peu mieux ces grosses machines distributrices de sodas en tous genres qui jalonnent mon chemin depuis le début. Je ne touche jamais à ça d’habitude journal pèlerinage Shikoku jour3

Temple 8 : Kumadanji

La marche se poursuit d’un peu plus de 2km et deja l’enceinte du temple 9. Un henro y attend la générosité qui lui permettra de poursuivre sa quête…

Temple 9 : Horinji

La dame qui appose le calligraphie sur mon cahier est particulièrement souriante. Elle accepte de se faire filmer pendant le réalisation de son oeuvre.

Je continue à marcher et la tempéreture à monter. Je finis par voir le temple 10, Kirihataji, à flan de montagne dans la foret. Je trouve un robinet d’eau à l’entrée d’un petit cimetière et y remplit ma poche. Un vieil homme m’interpelle en sortant de sa mini-voiture. Tout sourire édenté, il m’apprend qu’il à 82 ans et qu’il vient de l’autre bout de l’ile saluer sa femme, enterrée là. Il me dit aussi être un henro. Il sort un Osame-fuda d’une pochette et me le donne. Il est de couleur or !!! Il a donc parcouru le pélerinage des 88 temples plus de 100 fois !!! Sous le soleil accablant le voilà parti à me donner maints conseils en pointant sur mon guide des lieux où dormir et manger ou simplement visiter au cours de mon parcours. 82 ans il a vraiment toute sa tête et l’air en pleine forme. Il garde une attitude tellement umble… probablement les bienfaits des marches passées. Bien sûr je lui offre mon osame-fuda et quelques bonbons à l’érable. La relation avec cet homme paisible et souriant me plait énormement mais le soleil nous tape sur le crâne et il n’y a aucune ombre autour de nous. C’est avec regret que je finis par m’incliner une nouvelle fois trés bas pour le quitter.

Quelle chaleur ! Je rejoins l’ombre de la foret. Un immense escalier me fait face. L’ascention est un enfer. J’ai vraiment du mal à rejoindre le sommet avec mon sac qui pèse 1 tonne. Je fais une pause presqu’à chaque pallier. Le peu de nourriture mangée et le fort soleil combinés à l’effort me donnent des étourdissements. Je ne dois pas être loin de l’insolation ! Quand enfin j’arrive en haut des marches, je m’affale sur un petit banc de bois à l’ombre d’un arbre enraciné dans l’enceinte du temple. J’écoute les henros jouer du gong…

Temple 10 : Kirihataji

Cette pause m’a fait du bien. J’ai mangé quelques cacahuettes et bu beaucoup. J’ai de nouveau tous mes esprits. J’ai pris le temps de regarder et écouter les henros japonais. Frapper le gong plus ou moins fort. Certains sont concentrés sur leur affaires et font religieusement leur devoir tandis que d’autres n’hésitent pas à plaisanter en tirant sur le chapelet immense qui claque fort à chaque avancée de bille. Chacun respecte l’attitude de l’autre sans jugement. C’est agréable à voir. Je commence à comprendre à quel point les japonnais sont civilisés.

Redescendre l’escalier ombragé est assez plaisant. Par contre, dés la lisière de la foret franchit, je me sens pris comme dans un four. La chaleur est accablante. Le soleil frappe fort sur ma nuque. N’ayant pas de chapeau, je m’enroule un tissu de coton imbibé d’eau sur la tête.

Plus j’avance, plus la fatigue, la faim se font ressentir. La petite route suit des cultures, traverse des hamaux. Juste avant le pont qui enjambe la rivière Yoshino, il y a un tres long segment de plusieurs km sans la moindre ombre. Le soleil est de plomb. Je crains l’insolation. Plusieurs henros sont assis sur le bord de la route à l’entrée du pont où enfin quelques arbres nous protègent des assaults du soleil. Ils en profitent pour faire des étirements. Personnellement je profite de cette fraicheur relative pour consulter mon GPS afin d’y trouver un restaurant. Il semble y en avoir plusieurs.

Seulement 2km apres le pont, je jette mon dévolu sur une sorte de snack. Les personnes présentes me regardent avec des yeux rond. Le cuistot semble me demander si je suis certain de vouloir manger ici mais mon expression affamé fait qu’il me conduit à un banquette au fond de la salle. En passant dans l’allée, je souris et salue d’un geste une famille attablée dont tous les membres me regardent béas. Une des choses importante que j’ai appris grace à mon guide de conversation japonnais est de commander une biere. Ce que je fais aussitôt. Je branche mon téléphone pour en recharger la batterie et commence à décripter mon livre afin de déterminer l’endroit ou je passerai la nuit ce soir. Le vieux monsieur de 82 ans rencontré plus tôt m’a vivement conseillé de rejoindre un Onsen où se trouverait un zenkonyado, un lieu gratuit pour dormir juste a côté. Le Onsen semble être à un distance de 3km du restaurant où je me trouve ! Je peux relaxer… journal pélerinage shikoku 3

Le cuistot revient avec ma bière et un menu. La bière est divine, fraiche, pétillante ! Le menu est écrit en pur Japonais sans aucune image. Par contre il y a des photos sur les murs. J’en montre une d’un plat de soupe de pâtes accompagnée avec une sorte de bouilli. Ça a l’air d’être la spécialité de la maison. Parfait, j’ai besoin de quelque chose de consistant ! Moins de 5 minutes plus tard, je plonge ma cuillère dans mon assiette… Wow ! Ca c’est du service rapide mais en plus c’est délicieux ! Du porc, des pâtes, des algues et de la ciboulette flottent dans un bouillon de viande qui a du mijoter longtemps. Chaque bouchée, riche en goûts, est un vrai bonheur. C’est très chaud alors je me plonge dans mon guide de conversation pour essayer de décrypter quelques mots des produits d’alimentation en japonais. La famille attablée dans le box devant moi semble captivée par tout ce que je fais. Je souris, ils me sourient… Par geste, je finis par comprendre qu’ils aimeraient connaître mon origine, mon âge et ce que je fais ici… A l’aide du traducteur de mon téléphone, je répond à toutes leurs questions. Ils sont adorables. chaleureux, souriants. Le serveur revient vers moi et dépose une assiette de dumpings devant moi. Voyant mon air surpris, il ne fait comprendre que c est la petite famille qui m’offre ça. Wow ! je me confond en remerciement et me lève pour offrir à chacun d’eux des bonbons à l’érable… Une belle connexion s’est établie. L’atmosphère est chaleureuse, détendue. Je retourne à mon assiette et à mon guide. La petite famille s’en va non sans m’avoir fait plein de courbettes et de gestes d’adieu… Je me délecte de la fin de mon repas et finis par faire un signe au cuistot pour avoir l’addition. Et là !… Grosse surprise ! La petite famille a déjà réglé ma facture !!! Je suis stupéfait ! C’est la première fois de ma vie qu’une expérience pareille m’arrive : De parfaits inconnus m’offrent un repas au restaurant !!!… Voilà, c’est comme ça que sont les japonais… Et je ne suis qu’au début de mes surprises !!!journal pèlerinage Shikoku jour3

Mon corps et mon esprit sont repus. Je me sens vraiment bien. C’est à peine si je prends conscience des 3km de marche jusqu’au Onsen. c’est facile, c’est tout droit. Vu de l’extérieur le bâtiment ressemble à une piscine. Je pose mon sac et mon bâton à l’entrée et franchit le seuil. Une femme prés de la réception semble être la personne en charge. Malgré son air sévère, je lui souris. Je joins mes mains à plat et les placent contre ma joue pour imager le mot « dormir ». Son visage s’éclaire. Elle vient à moi en me détaillant de la tête au pied, reprend son air renfrogné et me fait signe de la suivre dehors. On contourne le bâtiment. En moins d’une minute, elle me montre le Zenkonyado et la machine à laver le linge. Elle me fait comprendre que je ne peux rester qu’une seule nuit ici. Elle tourne les talons et retourne s’occuper de l’accueil du Onsen.

J’ai tout de même eu le temps de lui demander à quelle heure ferme le Onsen. 21h… J’ai tout mon temps ! Je place mon bâton contre un mur à l’extérieur et pose mon sac à l’intérieur de la petite pièce en prenant soin de bien refermer la moustiquaire. Vue la chaleur, je ne serai pas étonné d’avoir la désagréable compagnie de moustiques cette nuit. Je vais tenter d’éviter de les faire entrer. journal pèlerinage Shikoku jour3

Je fais le tour de toutes les installations qui me sont gracieusement offertes. Impeccables de propreté, tous les besoins de bases sont comblés ; Machine à laver le linge (200y), sécheuse, lavabo, toilettes, petite table… Dans la chambre, les murs sont couverts d’Osame-fuda. Je trouve des guides, du papier des crayons, un journal de présence remplis par les henros qui ont séjourné ici qui semble être très fourni en conseils. Sur une étagère en hauteur, je trouve même un matelas gonflable promesse d’un sommeil confortable… Je suis abasourdi. Mon esprit est submergé par la gratitude. Toutes ces attentions offertes aux éphémères inconnus de passage… Je suis ému. Je suis seul et pourtant accompagné de sollicitudes.journal pèlerinage Shikoku jour3

Je prends mon nécessaire de toilette et mon kit de survie (passeport et cash) et me dirige vers le Onsen. Mon hôte m’accueille avec un sourire genre gardien de prison. Je lui règle le prix de l’entrée (400yens). Elle me donne une serviette, un petit linge et des chaussons en papier puis me conduit au vestiaire des hommes. Il y a beaucoup de monde plus ou moins jeune, plus ou moins habillé mais ça sent bon. Ça fourmille d’activité. L’ambiance est familiale, rurale. Les personnes âgées ont des rides profondes comme taillées au couteau. Une nouvelle fois, les gens semblent surpris de me voir là mais font comme s’ils ne l’étaient pas. Pour ne pas me mettre mal à l’aise ils détournent vite le regard et se concentrent sur leur occupation : Il y en a qui se sèchent ou s’habillent pendant que d’autres enlèvent leurs vêtements. Il y en a qui se pèsent ou se rasent et d’autres se peignent en s’aspergeant de lotion dans les cheveux… Je me dépêche de me trouver un placard. Heureux de pouvoir enfin enlever mes habits gorgés de transpiration. J’accède à salle des bains. Vite un box, vite le pommeau de douche, vite régler la température de l’eau….Wow !!! Quel bonheur !!! Je me liquéfie littéralement de plaisir !… Ensuite, je passe beaucoup de temps à minutieusement frotter chaque mini-mètre carré de mon corps au savon à l’aide du linge. C ‘est un long rectangle en éponge qui rend facile le lavage du dos. Je porte une attention particulière à mes pieds qui vont être soumis à rude épreuve dans les prochains jours. Et vas-y que je frotte, frotte, récure chaque parcelle de mon corps. Arrive enfin le moment où je me sens assez propre pour m’autoriser à aller m’étendre dans le grand bassin chaud… Point culminant tant du plaisir que de la détente. Je regarde autour de moi. Tous ceux allongés dans le même bassin que moi ont plié et placé leur linge sur le haut de leur crâne. Ils me font penser à des Samouraïs barbotant dans un bain de vapeur ! Autour, il y les box dans lesquels les occupants assis sur leur tabourets se frottent le corps avec frénésie. Il y a aussi un autre bassin plus petit que j’imagine, à raison, d’être le bassin d’eau froide. Sur le coté, je vois un sauna et tout au bout une porte mène à l’extérieur où il semble y avoir d’autres bassin. J’essaye tout : l’eau glacée, le sauna, les bassins extérieurs. Je sens mon corps revivre. Il est heureux de toute cette attention ! J’ai aussi comme sentiment d’être dans un camp de naturistes avec de vieux monsieur qui tirent sur leur cigarette en regardant le paysage mi-agricole mi-urbain environnant…

J’ai bien dû y passer deux heures ! Du pur régal ce Onsen ! J’espère de tout mon cœur que la vie me permettra de revenir vivre cette extraordinaire expérience. C’est formidable ! En sortant je me sens comme engoncé dans de la ouate… »De toutes les matières, c’est la ouate que j’préfère… » Il ne me faut pas long pour rejoindre ma chambre, mettre mes habits humides dans la laveuse et préparer ma couche. Gonfler le matelas, étaler mon duvet, me faire un oreiller… J’ai très envie de dormir mais je dois attendre la fin du lavage alors mon attention se porte sur les messages laissés, tant à même les murs que dans des cahiers, par les visiteurs précédents. C’est fascinant. Le monde entier est représenté. Toutes les langues, les écritures, quelques mots ou de véritables romans, des dessins et toutes sortes de cadeaux ; caillou, jouets, bijoux… Tous témoignent et se confondent en remerciement de pouvoir profiter de ce havre….journal pèlerinage Shikoku jour3

Carte Shikoku 88 temples

Légende des marqueurs :

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