J’ai vraiment tout apprécié de ce Minshuku. Le cuistot est vraiment sympa. Tant son souper de la veille que son petit déjeuner, principalement basés sur les fruits de mer m’ont régalé. C’était frais, sain… La qualité était au rendez-vous du goût.
Ce matin je prends tout mon temps. J’ai la ferme intention de relaxer. Je me suis réveillé tôt. A mon humble avis, les futons japonnais ne sont pas vraiment propices aux grasses matinées. J’ai consulté internet pour avoir une idée de la météo à venir. La pluie est prévue pour cet après-midi et demain matin. Exténué de cette première semaine, je décide de ne faire seulement qu’une demie journée de marche aujourd’hui. Je regarde mon guide et découvre un Onsen à seulement 7km !! Parfait pour une petite balade tranquille en suivant le bord de mer suivie d’un bon bain ultra-chaud… Hummm je m’en régale d’avance…
A mon départ, mon hôte me salue sur le pas de la porte. Je regarde une dernière fois ce Minshuku et ses alentours. Vraiment un bâtiment étrange… pourquoi si haut sur pilotis ? Vu ce que j’y ai vécu, j’espère bien y revenir un jour et y passer plus de temps… Shikoku Japon pèlerinage 9ème jour
La route semble impatiente de me retrouver. Mon corps est raide et les sangles du sac-à-dos se rappellent à ma mémoire. Très vite des petits autocollants apposés sur des poteaux guide mon cheminement. Je traverse et quitte le village, l’océan dans mon dos. Après un temple Shinto minuscule, la route bifurque à gauche, monte un peu et finit par surplomber la mer. Bientôt, un couple de km à peine, un autre petit village et puis, juste après, une large baie où nombre de surfeurs profitent de petites vagues bien nettes.Shikoku Japon pèlerinage 9ème jour
Je prends mon temps. La route est belle. Le panorama sur l’océan est agréable. Le temps grisâtre est idéal pour la marche. L’eau et les surfeurs me donnent envie de me baigner. Et puis, soudainement, au détour du chemin, une femme m’interpelle. Toute maigrichonne, elle tient une veste de laine en bandoulière sur son bras et un gros parapluie à la main. De l’autre elle me fait signe d’approcher, de venir à elle. Elle parle, je ne comprend rien… Elle sors son cellulaire et utilise une application vocale de traduction. Elle me fait comprendre à grands gestes que si je marche Shikoku, il faut me protéger, me mettre a l’à l’abri, car une tempête arrive et qu’outre la pluie, le vent sera fort et ça va être dangereux de rester dehors… Elle insiste et insiste. Pour couper court je lui demande à l’aide d’un grand sourire, si je peux la photographier et lui confie, à cet effet, mon bâton pour tenter de la faire intégrer au mieux à mon entreprise. Elle accepte et me salue en se courbant très très bas. Il y a quelque chose qui me touche dans cette femme. Je la sens à la fois sincèrement inquiète et généreuse. Je me courbe à mon tour le plus bas possible afin de la saluer avec le plus grand respect. Et puis je tourne les talons et poursuis mon chemin… Tempête ? Sur le web ils ne mentionnent que 40% de chance de pluie cet après midi. Bon, je regarderai ça d’un peu plus près tout à l’heure, après le bain dans le Onsen…Shikoku Japon pèlerinage 9ème jour
La route serpente le long de la côte. Le relief est montagneux. De petites falaises les pieds dans l’eau cloisonnent des plages au sable gris où se blottissent des petits villages. Ces derniers abritent souvent de minuscules ports de pêche avec leur armada de bateaux sagement rangés en bataillons serrés…Ce qui me marque le plus, c’est l’absence de couleur. Il y a un fort contraste entre le lumineux et le sombre. Le temps gris noircit la terre et fait apparaitre l’eau gris-vert ce qui favorise cette impression métallique. L’absence de vent donne une fausse sensation de tranquillité : menace sous-jacente, le calme avant la tempête….
Au détour d’un virage, j’aperçois soudain une grosse bâtisse bleue posée en surplomb de la falaise : Probablement le Onsen vu sur mon guide. Humm…C est vraiment très beau, j’ai hâte d’arriver pour profiter de ce cadre menaçant mais néanmoins enchanteur ! Une tempête dans un cadre pareil doit vraiment être impressionnante. L’hôtel est si proche de l’eau qu’on doit avoir le sentiment d’être sur un bateau. J’essaye malgré tout de ralentir ma cadence pour apprécier le panorama.Shikoku Japon pèlerinage 9ème jour
17.000Yens la chambre pour 1 personne. Ce n’est ni le prix de la demie-pension ni même celui du petit-déjeuner inclus, juste la chambre seule pour 1 personne. Si on est 2, c’est le double !!! Trop cher pour ma bourse ! Mince, je ne me prélasserai pas dans un bain bouillant face à l’océan aujourd’hui ! Qu’a cela ne tienne, je change mes plans : Je cherche et trouve dans mon guide, un autre hôtel à quelques centaines de mètres d’ici. En effet, au début de la plage il y a bien un grand immeuble. Ce devait être un hôtel mais il est maintenant désaffecté… Il y a une sorte de parc aquatique juste à coté. Nombre de tortues y nagent. Probablement des animaux blessés qu on a soigné et mis là, à la fois pour les sauver et pour le plaisir des touristes.
Je consulte une nouvelle fois mon guide. Il y a une Guest-house au cœur du village, un peu plus loin, à l’autre extrémité de la plage ! Je vais aller voir…. Je reprends ma marche et, très vite, je découvre une étrange construction en béton… Une petite pancarte me fait comprendre que c’est un abri anti-tsunami ! Ça alors ! Me revient en mémoire la catastrophe des centrales nucléaires de Fukushima suite à un tsunami provoqué par un tremblement de terre… Je comprends le pourquoi des pilotis de l’hôtel de la veille ! On dirait un blockhaus adapté pour les handicapés. Il monte haut. Son emplacement est stratégiquement placé pour être atteint rapidement…Shikoku Japon pèlerinage 9ème jour
Le village s’appelle Hiwasa. Il est coupé en deux par la rivière du même nom. Les rues sont très étroites. La Guest-house se situe juste avant le grand pont au delà duquel je vois Yakuo-ji, le temple 23, qui ressemble étrangement à un énorme bouteille de gaz… Il est 13h quand j’entre dans la Guest house Oyado Hiwasa. Il n’y a personne a l’accueil et aucune réponse quand j’appelle. Alors je me déchausse et m’assois docilement sur un canapé. Je trouve une prise de courant et mets mon téléphone à charger. Tranquillement je sors mon petit calepin pour écrire en patientant…Shikoku Japon pèlerinage 9ème jour
Après un long moment d’attente, je décide d’explorer le bâtiment. Je monte à l’étage, visite les chambres… Dans un pur style japonais, tout est extrêmement propre. Pas un chat, nulle part ! J’appelle plusieurs fois avec mon téléphone et je finis par avoir une réponse lointaine et un anglais approximatif qui me fait comprendre que c’est complet pour aujourd’hui… Mince alors !!! Bon, voyons le bon coté des choses…mon téléphone est bien chargé, et je suis bien reposé ! Je remets mes chaussures, replace mon sac sur le dos et sors dans la rue. Je traverse le pont et me dirige droit sur la bonbonne de gaz géante…Shikoku Japon pèlerinage 9ème jour
Temple 23 : Yakuoji
Après avoir déambulé dans les allées et fait mes devoirs de henro, au jeune moine qui réalise la calligraphie sur mon nokyocho, je demande de bien vouloir téléphoner à tous les minshukus et ryokans indiqués sur mon guide pour m’aider à trouver un logement pour la nuit. Tous sont soit fermés, soit complets… C’est bien ma chance moi qui voulait passer un bon moment tranquille à me reposer… Je vais devoir passer une nouvelle nuit sous tente ! C’est correct mais ça veut dire une nuit inconfortable, un sommeil perturbé et pas de douche pour relaxer. A l’opposé de mes plans édifiés au réveil : bains chauds et siestes à gogo, disparaissent définitivement des perspectives espérées pour cette journée…. Je règle les 300yens dus au moine pour son œuvre et m’installe sur un banc face au magnifique panorama au dessus des toits du village et la rivière qui débouche dans l’océan. Je consulte la carte sur mon guide. Le prochain village, semble plus être une bourgade qu’un village, s’appelle Mugi. Il se trouve à 16km par la route, soit un peu moins de 4 heures de marche. Il est 16 heure je ne l’atteindrai pas avant la nuit. Cette route s’éloigne de l’océan. Il n’y a l’air d’y avoir aucune commodité à part 2 abris pour henros et il y a un grand tunnel à traverser… Ça n’a vraiment pas beaucoup d’attrait ! Une autre option s’offre à moi : longer la mer en suivant un Shikoku-no-michi , un chemin spécial pour les amoureux de la nature d’environ 5 heures de marche le long de sentiers « hilly » sans aucune commodité à part 4 henro-huts, ces petits abris sommaires conçus pour le repos des henros. Cette option semble plus ardue du fait d’un relief plus difficile et implique de faire des réserves d’eau et de nourriture en suffisance. Par contre je serai en pleine nature avec l’océan pour seul compagnon. Je suis bien équipé, j’ai ma tente. j’ai la possibilité de m’adapter à toutes sortes de conditions. J’espère juste que les henro-huts pourront me protéger de la pluie prévue. Mon besoin de rester prés de l’eau décide de mon choix. Va pour le Shikoku-no-michi ! Je descends les marches qui me conduisent au village. Je trouve vite le petit supermarché à la devanture toute jaune qui fait l’angle prés du pont. J’y achète pour 1200 yens de sushis, tartare de poisson et tranches de blancs de poulet frit. Ça fait suffisamment de nourritures pour au moins 2 jours. Mon sac est vraiment rempli à bloc. Je le place sur mon dos et me dirige vers le port que je dépasse vite. A droite la petite route monte jusqu’au château du village : Belle bâtisse à étage qui semble inoccupée. Le petit espace vert tout autour est en friche mais n’offre cependant pas suffisamment d’espace pour y planter la tente. Pas le temps de réfléchir vue l’heure qui tourne. Il est 17h. passé. Il me faut trouver une bonne place avant la nuit et la pluie à venir !!
Après le château, la petite route goudronnée fait place à un chemin de terre qui longe la côte. Bien tracé, la difficulté tient au fait qu’il monte et descend au gré du relief escarpé. Je gravis de grandes collines pour les redescendre aussitôt jusqu’au niveau de la mer avant de partir à l’assaut d’une nouvelle. C’est ce qu’ils entendaient par « hilly » dans mon guide… Lorsque je suis sur un « plat », j’allonge ma foulée sous le couvert de petits arbres rabougris et torturés. Ne présageant rien de bon, je constate que la force du vent en a déraciné plusieurs que je trouve couchés en travers du sentier. La fatigue commence à poindre quand je rejoins le premier abri. Je suis déçu : c est un petit abri en béton avec une table en son centre. Impossible de monter la tente et la protection aux intempéries est inexistante. La fatigue se fait pesante et la faim ne taraude le ventre. Je n’ai rien mangé depuis ce matin. Alors, en quête d’énergie et malgré l’heure tardive, je m’assoie sur un des tabourets et entame mon tartare de poisson accompagné de riz face au beau paysage qui s’offre à moi. Angoissé par l’heure qui avance inexorablement, je dois cependant abréger afin de poursuivre ma progression. J’atteins assez rapidement un croisement qui me permettrait de rejoindre le deuxième abri si j’acceptai de redescendre au niveau de la mer et faire fi des efforts fournis pour grimper jusqu’à l’altitude non négligeable où je me trouve. Je délaisse cette option et poursuis mon chemin en toute hâte. La nuit tombe lorsqu’enfin et après de gros efforts, je trouve la troisième henro-hut. En la découvrant, je pousse un gros soupir de soulagement. Sur-élevé du sol par des pilotis, la structure et le toit sont en béton. Le sol est formé de briques rouges placées dans le sens vertical. L’abri est bien plus gros que le précédent. Il offre un grand espace libre en son centre : largement de quoi installer mon campement. Je me défais de mon sac et après avoir défini la direction du vent, j’en sors vite ma tente. Je la monte en prenant soin de l’arrimer au maximum à l’aide de ma petite corde imbibée de cire que je prends toujours soin d’emporter à chacun de mes voyages. Très fine et vraiment pas encombrante elle est aussi solide qu’un fil d’acier. De toutes façons je ne peux pas planter de piquet dans le sol de briques. Alors je m’assure de la bonne fixation de chacun des axes ainsi que du toit aux poteaux de la rambarde de béton courant tout autour de l’abri. Shikoku Japon pèlerinage 9ème jour
Je finis le montage de la tente dans le noir complet avec l’aide de ma lampe frontale. L’abri possèdant un toit en béton, je ne risque donc pas qu’un arbre, déraciné par le vent comme j’en ai vu tantôt, me tombe sur la tête. Il y a un petit muret juste dans l’axe d’où vient le vent. Il y a aussi de gros fourrés qui, eux aussi, aide à freiner le vent. Si le pire arrivait, j’aurai une ultime solution en me glissant sous le sol de l’abri puisqu’il y a un espace d’environ 30cm entre le sol de terre et le sol de l’abri. Je me sens assez rassuré, capable d’affronter une tempête. Je me glisse dans la tente. Le sol en briques est tout sauf confortable. Je m’installe au mieux. Je déroule mon duvet, crée une sorte d’oreiller avec le sac d’emballage de la tente dans lequel j’ai mis mes habits à l’intérieur et lui même enveloppé dans mon t-shirt. Je place la plupart de mes affaires à mes pieds, à l’opposée d’où vient le vent et d’où viendra supposément la pluie… Je m’allonge et commence à profiter du repos bien mérité. Je n’ai marché que 20km aujourd’hui mais les dernières heures ont été assez éprouvantes. Je me sens à bout de forces. J’allume mon smartphone pour aller consulter les sites de météo afin de déterminer le temps qui s’en vient… J’ai une bonne réception internet. Je découvre qu’il y a un typhon nommé Tapah qui va longer les cotes ouest du Japon à partir de demain soir ! Il semble à une distance assez éloignée toutefois de fortes pluies sont prévues sur tout le pays. Humm… je repense à la dame de ce matin et à ses mises en garde…Dois-je angoisser ? Quoi qu’il en soit, moi qui espérait une journée tranquille à me prélasser dans des bains chauds et à faire des siestes dans une bon lit face à l’océan, il faudra que je repasse…. quoi que…je suis bien face à l’océan !!
Je m’endors relativement vite mais pour quelques heures seulement. Vers 11h, une grosse rafale de vent me réveille. Je sors dehors pour me soulager d’une envie naturelle. La nuit est de plomb. Pas la moindre lueur ni sur terre, ni sur mer ni même dans le ciel : Pas de lune, pas d’étoile…le noir complet. Je suis seul, isolé dans la nuit d’encre avec pour seule compagnie le souffle du vent qui vient en rafales et aussi le bruit du ressac des vagues de l’océan… Sensation étrange, seul le faisceau de ma lampe frontale m’offre une prise avec la réalité. De retour au fond de mon duvet, mon sommeil se poursuit en pointillé, la dureté du sol m’empêchant de garder longtemps la même position. Et puis vers 3h du matin la pluie commence à tomber et le vent à vraiment souffler….Shikoku Japon pèlerinage 9ème jour
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