La chaleur étouffante et le manque d’air ont fait du reste de ma nuit un enfer. J’ai passé mon temps à épier mon hôtesse pour qu’au moindre signe de réveil de sa part, je me bouge les fesses : Je souhaite quitter cette maison le plus rapidement possible. En réalité c’est son chien (qui n’a pas arrêté de péter toute la nuit) qui est le premier à montrer signe de vie. Cette pauvre vieille carcasse doit certainement avoir envi de pisser. Alertée par ce mouvement, sa maitresse se redresse et commence à enfiler ses vêtements. Alors je fais semblant de me réveiller et m’habille en quatrième vitesse. Très vite je montre à Heiko que je suis prêt à poursuivre ma route. Elle semble comprendre mon impatience à partir. Elle m’accompagne docilement jusqu’au seuil de son garage. Après quelques photos, je la remercie chaleureusement pour son invitation et prends la poudre d’escampette. Soulagé d’avoir pu m’esquiver aussi facilement, j’arrive bien trop tôt au temple 33, Sekkeiji. Dans l’attente de son ouverture à 7 heure, je flâne dans le temple Shinto qui le jouxte. La nature est luxuriante. Le quartier est résidentiel, les lotissements s’emboitent les uns dans les autres… pourtant on se croirait au cœur d’une forêt primaire avec ses fougères et ses mousses. Vraiment surprenant ! La lumière du soleil naissant ne fait qu’accentuer le coté enchanteur de la place… journal pèlerinage Shikoku Tosa
Temple 33 : Sekkeiji
C’est vrai qu’il est tôt ! Mis à part un henro japonais qui fait des étirements et une vieille dame avec son chapeau et son cabas dans le temple, je ne croise pas âme qui vive de toute la matinée : Ni dans les rues, ni dans les champs ! Qui plus est, je ne vois aucune voiture sur la route ! Les trottoirs, les champs, les canaux, les jardins et les maisons, tout est très propre et très bien entretenus mais il n’y a personne à l’horizon ! Seul un petit crabe rouge daigne lever les pinces à mon passage ! Il n’en demeure pas moins que c’est un beau matin et que tout ce que je vois est d’une beauté extraordinaire. journal pèlerinage Shikoku Tosa
Mon cheminement me garde à moins de 2 kilomètres de l’océan à travers la campagne, le long de petites routes étroites bien balisées. La marche est rendue très facile par l’absence de relief. Tout doucement je m’éloigne de la ville. Les champs et les fermes prennent la place aux lotissements résidentiels. En passant près d’un distributeur de boisson placé au milieu de nulle part, je m’offre un café noir sans sucre. Je prends tout mon temps pour apprécier l’environnement toujours aussi surpris par la qualité de l’entretien de chaque espace, de chaque plante… Un peu moins de 7km et je débouche sur le temple n°34 :
TANEMAJI
A la fin de la visite du temple, comme d’habitude je me présente pour faire faire la calligraphie et tamponner mon Nokyocho. Une femme et un jeune moine très sympathiques m’accueillent chaleureusement. Il me font l’Osetaï d’un jus de pomme et de gaufrettes. En échange je leur offre des bonbons de sirop d’érable. Ensemble nous passons un petit moment très agréable qui me réchauffe le cœur. Et puis je poursuis mon chemin… journal pèlerinage Shikoku Tosa
Je marche 14km d’une traite. Un de mes talons commence à me faire un peu mal et j’ai faim. J’arrive au magasin “FamilyMart” que j’avais auparavant repéré sur mon guide. Je fais des emplettes pour manger tout de suite et d’autres pour manger plus tard car j’ai l’intention de planter la tente ce soir. Le magasin offre un couple de tables et de chaises pour ceux qui veulent consommer sur place. Je m’installe de manière à profiter d’une prise électrique pour recharger mon téléphone. Comme je pense rester plus d’1/4 d’heure je me déchausse. Je découvre une ampoule de bonne taille sur mon talon droit. La cloque est située sous une épaisse couche de peau. Je décide de tenter de la drainer à l’aide d’un fil à coudre comme j’ai appris à le faire durant ma marche de Compostelle. Surtout ne pas mettre de sparadrap qui génèrerait de l’humidité mais j’accole une peu de papier toilette pour absorber le liquide qui ne va pas manquer de s’écouler en marchant. Il ne faut surtout pas que les choses empirent sinon ça pourrait dégénérer à un point tel que je devrais arrêter de marcher quelques jours voire me faire abandonner. J’ai déjà vu de simples bobos s’infecter de manière catastrophique alors je vais tout faire pour que ça n’arrive pas !!! journal pèlerinage Shikoku Tosa
Il y a des signes qui ne trompent pas… On dirait que je suis comme accompagné… Tranquillement au cœur de cette belle campagne agricole, avec ce beau temps comme compagnon, je m’éloigne petit à petit de la mer et finis par atteindre le relief. Il n’y a pas de transition : Des champs parfaitement plats, on passe directement à la montagne abrupte. Et pour rejoindre le temple, rien de plus simple : c’est tout droit ! Il suffit de grimper les marche sur 100m de dénivelé ! Alors que jusque là c’était une ballade de campagne, c est bien essoufflé que le temple 35 m’accueille…
Kiyotakiji
Après ma visite, je me détends un peu à l’ombre… Tout va bien ! je me sens comme ce bouddha en granit : réjoui et enchanté… journal pèlerinage Shikoku Tosa
Je redescends les marches et poursuis mon cheminement… Après la campagne, je débouche sur le petit port de Skyline-Irigushi, et là, à l’angle d’une rue, une boulangerie… BOULANGERIE !!! Oui !! Un vrai mirage ! Une boulangerie extraordinaire sortie de nulle part. Les pains, les viennoiseries, les pâtisseries !!… Les même, comme en France. Je ne sais pas où donner de la tête, que choisir ? J’ai envi de tout !!! J’ai la langue qui traine à terre !!! Je passe un temps fou à me décider ! Je dévore tout en pensée… Après m’être régalé tant des yeux que du nez, je finis par choisir ! C’est un supplice de ne pas tout prendre… mais bon, je suis fort et sais faire des sacrifices quand il le faut !! Mais je n’en ai pas fini avec les plaisirs gustatifs pour autant. Après de gros efforts pour m’extirper de ce lieu magique, j’arrive sur le bord de mer… Tout a coup, sur ma droite je vois un camion ambulant qui vend… des huitres !!! Wow ! Elles sont grosses et belles. elles ont l’air ultra fraiches !!! bon le prix aussi est “ultra” : 450y l’unité soit plus de 3€/4$ca. Mais bon…le plaisir n a pas de prix !!! Je n’en prends qu’une…. WOW !!! Elle est belle, laiteuse, charnue à souhait… Je la fais glisser dans mon palais et la croque à pleines dents !!! Quel régal !!! La pauvre est passée de vie à trépas mais je me sens vivant jusqu’au tréfonds de mon estomac !!! journal pèlerinage Shikoku Tosa
Entre temps le temps s’est dégradé et il commence à tomber une petite pluie fine. Je traverse un pont en forme de grand virage pour atteindre la pointe de la presqu’ile de Yokonami où se situe le temple 36 :
Shoryuji
La fin de journée est un peu galère : A la sorti du temple, malgré l’heure tardive et la lumière qui décline, je décide prendre la route du sud qui longe la côte. J’espère trouver une plage où planter la tente au bord de l’eau… Mauvais choix : La route est étroite, sinueuse et monte à travers la forêt. Je croise plusieurs voitures à contre-sens. Elles vont vite. Le manque de luminosité et les virages en épingle rendent ces rencontres dangereuses. Après plusieurs kilomètres, je suis à une bonne centaine de mètres d’altitude. Il y a bien un accès à la mer par un escalier qui descend dru mais quelle déception une fois rendu en bas : la plage est faite de gros galets. Impossible d’y planter une tente ! Il me faut remonter. La route du sud continue sur une vingtaine de kilomètres sans aucun village et n’offrant seulement que le même genre de plage que celle que je viens de voir. Ma journée commence à être longue. J’ai déjà dépassé les 30 km. La fatigue me tombe sur les épaules. Raisonnablement je décide de rebrousser chemin et de revenir prés du temple 36. Je refais les quelques kilomètres de route en sens inverse en descente. Quand je rejoins le bord de l’eau, il y a un minuscule port de pêche qui jouxte une petite plage. Je plante ma tente devant une maison qui semble inhabitée. Très rapidement je me déshabille et file me tremper dans la mer pour me nettoyer sommairement de la transpiration accumulée sur ma peau tout au long de la journée. A bout de force je finis par m’écrouler dans la tente pour m’endormir instantanément dans une nuit sans rêve. journal pèlerinage Shikoku Tosa
Carte Shikoku 88 temples
Légende des marqueurs :
- = 88 temples
- = 20 temples supplémentaires
- = étape
- = étape en temple
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